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Des Ailes aux Nuages
16 juillet 2012

Raymond Isidore dit Picassiette - Le Jardinier de la Porcelaine - Chartres Eure-et-Loir (28)

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- Raymond Isidore dit Picassiette

(1900-1964) -


 Il est né le 08 Septembre 1900 dans une famille misérable qui compte huit enfants, d'un père alcoolique et violent décédé en hôpital psychiatrique et d'une mère très pieuse qui fait ce qu'elle peut pour ses enfants mais finit par sombrer à son tour peu à peu dans l'alcoolisme.

Frappé de cécité (maladie ou problème psychosomatique ?) dans ses jeunes années Raymond guérit miraculeusement (vers 10 ans) en embrassant le pied du pillier Notre Dame de la Cathédrale de Chartres ;

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Après avoir fait son service militaire dans le 3ème régiment d'Artillerie coloniale à Vincennes pour ses classes puis en Allemagne en tant que Canonnier servant ou affecté aux cuisines, il obtient un certificat de bonne conduite.

De retour de l'armée, il fréquente un groupe de "durs" et en prend le style, jusqu'à sa rencontre avec Adrienne Rolland, une lingère, veuve avec trois enfants, de 11 ans son aînée. Il se mariera avec celle-ci en 1924 à la Mairie, puis en 1925 à la Cathédrale, ils s'installent dans un appartement d'un misérable quartier de la basse ville.

 

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- Adrienne Picassiette -

Pendant cette période il est Mouleur, proche des communistes, lit l'huma et se rend aux manifestations,

En 1926, il travaille comme Chauffeur du tramway à vapeur sur la ligne Chartres-Angerville,

En 1928, il achète un premier terrain, qu'il revend sans rien y avoir fait, les raisons ne sont pas connues exactement ...

      Souhaitait-il faire l'achat d'un autre terrain et bénéficier des facilités d'obtention grâce à la nouvelle loi ?

     A-t-il renoncé à cause du terrain d'aviation tout proche dont les avions lui faisaient une peur panique lorsqu'ils passaient au dessus de sa tête ?

     A moins qu'il ne s'agisse des suites de sa mésaventure, alors qu'il débrouissaillait son champ, un orage avait éclaté et la foudre été tombée à ses côtés, après quoi il était parti en courant ?

Le 24 Décembre 1929, il achète un terrain de quelques ares, et commence à construire sa maison, un simple rectangle sans eau ni électricité ;

Le 15 Novembre 1930, Raymond apprend le décès de sa mère, effondré et malgré la présence de sa femme et de ses trois "beaux" enfants, il se dit tout seul ;

En 1931, La famille Isidore s'installe dans la maison ;

En 1931-1932, il achète deux parcelles pour y établir son potager et son verger ; Son caractère dfficile lui joue des tours, il vit de petits boulots, notamment en tant que jardinier ;

En 1933, le tramway est remplacé par des cars, on lui propose une place de conducteur, il refuse de peur d'écraser les gens ;

Au chômage, il tente plusieurs expériences dans le commerce avec ses indemnités mais sans succès,

En Juin 1935, il est travaille au dépôt d'ordures de la ville ;

En 1936, Nommé Cantonnier, il gravit progressivement tous les échelons ;

En 1936-1937, il apprend seul à jouer de l'accordéon et tient une guinguette dans son jardin, sportif il joue au football et crée l'amicale des marcheurs sur Chartres ;

Mais tout cela ne semble pas suffire à Raymond, il est à la recherche d'autre chose, c'est au hasard de ses promenades à travers les champs qu'il aperçoit des petits morceaux de verre, de porcelaine et de vaisselle cassée qu'il amoncèle dans un coin de son jardin ; Puis l'idée lui vient sa maison achevée, en autodidacte il va s'attacher à sa décoration intérieure, et c'est ainsi que murs, objets, sols, tout trouve parure. Son art lui est dicté, selon lui, par des voix célestes, des rêves nocturnes.

Interminablement après ses heures de travail, ou ses périodes de chômage il écume les poubelles et la salle des ventes, où pour quelques pièces dérisoires il emporte ses "trésors" : des chines bleues, des Compagnies des Indes, etc. puis s'attaque aux murs extérieurs ;

De 1940 à 1958, une succession d'embauches et de démissions ponctueront son parcours professionnel, Raymond est reconnu par ses collègues comme un homme simple, doux et consciencieux, sobre et ponctuel, mais l'injustice le révolte et peut se mettre dans d'épouvantables colères ;

En 1939, Il est mobilisé puis réformé (raisons inconnues) ;

Pendant que la guerre fait rage et détruit, Raymond construit, embellit ;

En 1941, Il travaille dans un entrepôt de charbon ;

En Octobre 1945, Il redevient ouvrier à l'équipe de solidarité pour la ville, puis devient machiniste deux ans pour le Théâtre municipal, c'est un calvaire, lui si rougissant vis-à-vis des femmes, est contraint d'aider les comédiennes à se vêtir ou se dévêtir ;

En 1949, Il s'accroche avec le Directeur et se fait renvoyer, il s'en suit une crise où il doit faire un séjour en psychiatrie. Il retravaille pour l'équipe de solidarité et a une violente altercation avec le Directeur des travaux, ce dernier "l'expédie" comme balayeur de cimetière, une injustice pour Raymond qui rêvait d'être jardinier municipal ;

Mais jardinier il le deviendra et il sera seul maître de ses décisions, c'est sur les murs de sa maison qu'il plantera ses fleurs de porcelaine ;

Incompris, moqué, considéré comme un drôlet, on le surnomme Pique-assiette ;

En 1952, Sa maison est terminée, décorée à l'intérieur comme à l'extérieur, il marque une pause, c'est aussi la date d'une première publication sur "Picassiette" ;

C'est en Février 1956, qu'il achète un terrain voisin qui lui permet de doubler sa surface, il poursuit son oeuvre ;

En Janvier 1958, Il démissionne pour raison de santé, laisse libre court à son art ;

Début des années 60, Sa santé se dégrade rapidement, ses forces déclinent, il ne lui reste plus beaucoup de temps avant de passer, il se met à exécuter des fresques plutôt que des mosaïques afin d'accélérer son cheminement au cas où... Il reprend la mosaïque sur certaines fresques quand il a un regain d'énergie, puis arrive la phase ou il n'arrive plus à aboutir dans ses projets ou l'inspiration semble se tarir, Raymond se retrouve désoeuvré, en proie à une profonde détresse ;

En Avril 1960, La Ville souhaite réaliser un vaste projet immobilier social, exproprié il perd son potager, sa maison et son verger sont sauvés de justesse... Son petit verger si tranquille, est à présent encadré de nouveaux voisins peu scrupuleux, il est régulièrement la cible de voleurs ;

En 1962, Les petits revenus encaissés par Adrienne pour la visite de la maison risquent de rendre imposable Raymond Isidore, qui sur un coup de tête décide de jeter le pécul à la mare ;

En mai 1962, Raymond perd la tête, se prend pour le descendant du Christ, une agitation qui passe par des périodes plus sereines, où il admet que sa maison est terminée, que l'esprit s'est tû, qu'il a accompli sa mission, qu'il s'agissait du passe-temps de sa vie ;

En 1963, Les clichés de l'époque montrent un homme très vieilli, triste, édenté et désoeuvré ;

En 1964, Les crises se succèdent, il perd la raison, dans un délire il annonce la fin du monde et affirme que la terre va se diviser en deux ;

Le 05 Septembre 1964, A quelques jours de son anniversaire, il se rend une dernière fois à la Salle des ventes pour y rencontrer le Commissaire priseur, montrant la bande dessinée d'un journal local il s'écrit : "Eux aussi me poursuivent, vous voyez les petits nuages ? çà me représente, tout le monde me poursuit parce que j'ai de l'argent, l'Etre Suprême annonce que c'est la fin du monde, parce que je dis çà tout le monde m'en veut" ;

     Dans l'après-midi un orage éclate, il s'enfuit, désorienté. Tard dans la nuit, il annonce à la tenancière d'un bar que le lendemain il sera mort, qu'il va mourir cette nuit là, seul dans un fossé aux Grands-Près, qu'il ne doit pas mourir chez lui ;

     Puis Raymond Isidore demeure introuvable, jusqu'à ce qu'un couple en voiture l'aperçoive le lendemain en soirée, agonisant sur le bord de la route, la bouche emplie de terre, il est ramené chez lui et y décède au petit matin ;

En Novembre 1979, Sa veuve quitte la maison pour vivre en maison de retraite ;

En Novembre 1981, La Ville de Chartres achète la Maison ;

En Juin 1983, La Maison Picassiette est classée Monument Historique.

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La Maison Picassiette est située sur un petit côteau dominant la route de Chartres en Eure-et-Loir, parmi des pavillons de province. Une maison construite par un seul homme Raymond Isidore, dit Picassiette.

D'architecture naïve, où règnent fresques et mosaïques de faïence et de verre coulées dans le ciment, des réalisations sans dessins préalables, résultat de ses rêves, poussé par sa croyance.


 

"J’ai d’abord construit ma maison pour nous abriter. La maison achevée, je me promenais dans les champs quand je vis par hasard des petits bouts de verre, débris de porcelaine, vaisselle cassée. Je les ramassais sans intention précise, pour leurs couleurs et leur scintillement. J’ai trié le bon, jeté le mauvais. Je les ai amoncelés dans un coin de mon jardin. Alors l’idée me vint d’en faire une mosaïque, pour décorer ma maison. Au début, je n’envisageais qu’une décoration partielle, se limitant aux murs (...) Finalement, j’ai fait ma maison à mon goût, pour être dans mon milieu, ça me semblait tout naturel (...)". - Raymond Isidore -


 

33 ans à bâtir, décorer, seul en dehors de ses journées de travail,

... 29000 heures,

... 4 millions de débris de vaisselle,

... 15 tonnes !

Malgré un succès local tardif, il ne connût sa vie durant qu'incompréhension et moqueries...

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La première Maison,

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- Le fronton d'entrée -

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- La Cuisine -

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- Au fond le Mont St Michel -

 

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- Le Poële -

même les tuyaux sont décorés !

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- La Chambre à coucher à gauche la machine à coudre d'Adrienne -

La fresque de droite représente une oasis marocaine.

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- Le Boudoir Jardin d'hiver -

Autrefois il s'agissait de la chambre des enfants.


 

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- La Chapelle -

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Chez les Isidore, l'amour des animaux régne, nous les retrouvons souvent dans ses mosaïques, un chien, deux chats recueillis, des oiseaux des alentours étaient nourris, des poules des lapins (qu'ils offraient car ils ne savaient pas les tuer), une oie, une tourterelle qui vivra plus de vingt ans et leur survivra.

 

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"Les bêtes sont plus intelligentes que nous... Mieux vaut avoir affaire aux animaux qu'aux hommes, çà a plus de reconnaissance" - Raymond Isidore

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Concernant une tourterelle qui s'était laissée attraper par Raymond et qu'il avait offerte à sa femme il disait :

"L'esprit est là ! Ce sont les bêtes qui recueillent l'esprit. Je voudrais qu'il y ait des fleurs partout, partout, des fleurs, des oiseaux, des êtres inoffensifs"

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- Le Trône du balayeur -

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- Le Tombeau noir -


 

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- Le couple Isidore (Adrienne et Raymond Edouard)

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- Chartres -

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- Landru -


Le Jardin aux statues

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- Pasteur et l'oiseau -

"Mon jardin c'est le Rêve réalisé, le rêve de la vie où l'on vit en esprit dans l'éternité" - Raymond Isidore

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- Le mur de Jérusalem et le Trône de l'Esprit du Ciel -

 

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- Un Portrait de Raymond et Adrienne,

immortalisés par Robert Doisneau en 1953 -

 

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"Comme ma femme aime bien les fleurs, pour lui faire plaisir, pour ne pas la contrarier, j'ai dû mettre des fleurs dans mon jardin" - Raymond Isidore -

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"Je pense trop. Je pense, la nuit, aux autres, qui sont malheureux. çà m'empêche quelquefois d'être heureux. Je voudrais leur expliquer. L'esprit m'a dicté ce que je devais faire pour embellir la vie. Beaucoup de gens pourraient en faire autant, mais non : Ils n'osent pas. Moi, j'ai pris mes mains et elles m'ont rendu heureux. Je voudrais être un exemple. Nous sommes dans un siècle pas bien... Il faut revenir aux sources. Il faut, oui, mettre des fleurs sur les vivants...Quand on voit pleurer les gens dans un cimetière, on pleure aussi ! Je voudrais qu'en partant (d'ici) les gens aient envie de vivre aussi parmi les fleurs et dans la beauté. Je cherche une voie, pour que les hommes sortent de la misère...". - Raymond Isidore -

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- Repos avec vue sur la Cathédrale -

"Je suis comme quelqu'un qui est caché, qu'on a caché. Je dois sortir, me sauver de la mort pour rejoindre mon esprit. D'après moi on ne meurt pas, le corps se désagrège, mais l'esprit vit toujours" - Raymond Isidore -

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"Je suis dans la mort puisqu'on m'a mis balayeur dans un cimetière comme quelqu'un qu'on rejette parmi les morts...". Raymond Isidore, Balayeur au Cimetière de la Ville de Chartres.

 

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L'Artiste Chomo disait : "Une seule porte de sortie, le rêve..."

comme lui il avait osé ne pas s'arrêter aux limites imposées par la société et la collectivité ambiante quitte à le payer très cher par la solitude et l'isolement.


Source photos Internet mondial, sauf la Cathédrale.


Livre conseillé : Picassiette, "Le Jardin d'Assiettes" de Paul Fucks Editions Ides et Calendes, Raymond Isidore s'étant peu confié, une approche psychologique tente de le découvrir.

*

Points Négatifs : Je déplore l'ambiance hyper surveillée que l'on rencontre sur place au point d'avoir peur de sortir un mouchoir de son sac, l'interdiction de prendre la moindre photo alors que ce jour là il était même impossible d'emporter un dépliant ou un livre (rupture de stock) incompréhensible en début de saison, un mini musée (peut-être plus micro d'ailleurs) sombre et triste, j'ai dû m'informer par moi-même par internet ou avec le livre cité ci-dessus ...

Des ordres prodigués par la Ville, qui en est devenue propriétaire, des ordres que Picassiette, l'insoumis, avait toujours réprouvés pendant ses années de labeur, et qui finalement poursuivent ceux qui s'intéressent à son oeuvre.

*

Quelques phrases empruntées à Raymond Isidore piochée sur le livre Jardin d'Assiette :

En 1954, "N'hésitez pas à m'envoyer des touristes. Picassiette les recevra toujours avec plaisir",

En 1955, "Je suis toujours d'accord si l'on veut faire des photos et je réponds à toutes les questions qu'on me pose. Je dis toujours : Revenez me voir".

Puis l'Artiste, démuni d'inspiration, en grande souffrance mentale, devient sauvage se met à fuir les visiteurs, laissant le soin à son épouse (Maman Picassiette) d'organiser les visites...

*

Un film serait en projet depuis 2009, mais aurait été repoussé à 2013, faute d'avoir trouvé l'acteur tête d'affiche (pour ma part j'aurais bien vu Lorànt deutsch qui je trouve lui ressemble beaucoup, voir photos ci-dessous).

 

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*

Mon Avis : Un endroit incroyable où l'émotion et les messages interpellent ceux qui désirent voir au delà de l'homme.


 

papillon

* * * * * Belle journée à toutes et tous, bisous, Aile * * * * *


Je vous laisse avec une chanson d'un artiste que j'adore et qui me vient en tête après ce message "Hello alone" de Charlie Winston

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Commentaires
M
Je vous félicite et vous remercie pour ces travaux de recherche personnels, qui sont fort intéressants. J'ai découvert un Picassiette à facettes, avec plusieurs vies... Que je ne connaissais pas. Ces œuvres naïves m'ont toujours enchantée, j'y retournerai volontiers et je suis certaine que ma lecture serait différente. Ce sont de vrais petits bonheurs du jour! Je me permets de placer en lien votre page que je trouve très documentée et fort intéressante, sur ma page Galerie Mosaïque Picassiette www.auplaisirdesyeux.com. Merci encore.
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